dimanche 22 février 2015

Son eldorado

Il suffirait de presque rien, mais de quoi au juste ?
Il suffirait d'un coup de poing sur la table, d'un hurlement primaire, d'un geste ultime pour mettre fin à cet épouvantable sentiment, à cette effroyable absence de sens dans tout ce qui l'entoure. 
Il suffirait qu'elle quitte son corps, qu'elle abandonne même jusqu'à la plus infime miette de pensée, pour pouvoir reprendre l'oxygène qui commence à lui manquer terriblement. 
Elle pourrait ainsi bannir le spectacle complétement absurde de sa propre existence. Sortir avant la fin. Ne pas attendre la fermeture des rideaux. Se fendre les joues d'une si pitoyable attitude. 
Elle sait à quel point l'existence est fragile, à quel point elle devrait être capable de s'emplir de bonheur au moindre frémissement de beauté, à quel point elle n'aura qu'une seule vie. Mais il n'y a rien à y faire, elle est comme emprisonnée derrière des barreaux qu'elle a elle-même installés comme des barricades contre la porte du bonheur.
Le bonheur, l'exaltation des émotions, la vie puissance un milliard, elle sait mais elle est ainsi faite qu'au-dessus de sa vie passe toujours la menace du pire à venir, l'amertume des jours sans saveur, le non-sens total. Un nuage menaçant, annonçant une tempête toujours plus terrible, une vie toujours plus difficilement supportable. 
Comme elle voudrait dévorer les secondes, ne se soucier de rien, être plongée dans la vie corps et âme,  complètement abandonnée et en confiance !
Arrêter de réfléchir, de tout analyser, scruter, peser, comparer, calculer, anticiper. Se fondre dans le flot de l'existence pour faire totalement corps avec elle. C'est sûrement cela vivre. Embrasser fougueusement le présent, effacer de sa mémoire vive le pire et se persuader que le plus beau reste à venir. 
La voiture s'est arrêtée sur le parking. Elle n'a pas envie de rentrer chez elle, de vivre à côté d'elle-même et de subir encore cet épouvantable sabotage. Elle pose sa tête sur le volant, ferme les yeux et laisse couler les larmes sur ses joues creusées par la douleur. Au fond d'elle-même, elle désire plus que tout sortir de cette impasse qui l'empêche d'aller au bout de ses propres envies. La réponse est là, dans les gouttes de pluie qui envahissent le pare-brise, dans le vent violent qui l'a glacée tout à l'heure, et dans son coeur. 
Si un jour tu croises cette âme perdue, dis lui juste que le bonheur ça n'est jamais pour une autre fois. Souffle lui dans l'oreille qu'elle n'est pas condamnée à cette demie-vie pour l'éternité. Aide-la à regarder l'avenir avec un amour gigantesque et entier.
Elle a plus que jamais besoin de voir la lumière.

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