lundi 9 février 2015

Non

En sortant de la pièce, Adèle s'est dit que non, il était hors de question de laisser ces mots-la détruire son château de cartes. Elle entendait encore leurs voix basses, leurs jugements à demi-mots, leur misérable victoire à peine étouffée.
Elle a regardé la fenêtre: dehors, le ciel lâchait ses flocons avec une douceur inouïe et au loin, le soleil assistait timidement à la scène. La rue se teintait de blanc, et au fond de son coeur, il n'avait jamais fait aussi sombre. Il avait suffit d'un rien, d'un basculement du décor pour qu'elle flanche à nouveau. Elle se demandait comment cela était encore possible après tout ce qu'elle venait d'endurer. Comment elle pouvait encore être KO, effondrée sur le ring, après tant de combats acharnés pour la vie?
La porte de l'entrée a claqué. Les voix se sont éloignées. Adèle et le silence se sont fait face. 
Elle s'est assise sur la chaise rouillée et elle a pris sa tête dans ses mains, comme pour contenir son amertume et son dégoût. La bombe était à nouveau sur le point d'exploser. Au fond, depuis tout ce temps, elle ne faisait que la contenir, du bout de ses rancoeurs et de ses défaites successives.  
Elle a fermé les yeux. Très fort. Et elle a hurlé à l'intérieur, du plus profond d'elle-même. Elle a hurlé un NON puissant, un NON aux lettres de feu, gigantesque et déterminé. Un NON à tout ce qui la détruit depuis trop longtemps. A deux secondes de la noyade, elle a saisi la perche qu'elle s'est elle-même tendue et elle est remontée à la surface du monde. 
Incrédule, elle n'a pas tout de suite compris ce qui venait de se passer. Elle a repris contact doucement avec la pièce, avec le décor en ruine, avec l'amertume, avec le néant de sa propre existence.
Mais elle s'est levée, avec une force qu'elle ne se connaissait pas auparavant. Elle a relevé la tête, désireuse de vivre puissance mille et d'exister pour de bon.  Plus jamais pour ce que les autres ont décidé à sa place. Plus jamais pour adoucir les angles ou pour arrêter la tempête.
Adèle est sortie de l'immeuble, elle a ouvert les yeux bien grand jusqu'à sentir le froid percuter son regard. La neige a caressé ses joues brulées par les larmes. Elle a pris son téléphone et lui a envoyé ce message mille fois ressassé. Plus une minute à perdre. Plus une seconde à bousiller. 
La vie n'attend rien ni personne pour passer.

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